Champions’ Cup Dubrovnik 2023 : le bridge, la mer et l’or

La 21ème édition de la Champions’ Cup et la 1ère édition de la Women Champions’ Cup (organisées par l’EBL) se sont déroulées à Dubrovnik, en Croatie, du jeudi 9 novembre 2023 au samedi 11 novembre 2023.

Ayant eu la chance d’y participer, je vais partager avec vous ma première expérience de Champions’ Cup féminine. Il s’agit  d’une compétition internationale, qui réunit les championnes nationales des 8 pays ayant le mieux terminé lors des précédents championnats d’Europe par équipes.

Ainsi en France ce sont les gagnantes en date de la première Division nationale (DN1) Dames en équipe qui sont chargées de défendre les couleurs de la France en Croatie.

Merci à l’EBL pour l’organisation !

Parmi les tenantes du titre, seules Anne-Laure Tartarin, Carole Puillet, Valérie Sauvage et Sabine Rolland partent en Croatie et elles nous ont invité, ma partenaire Anaïs Leleu et moi, à faire partie de leur équipe, ce dont nous leur sommes très reconnaissantes.

Nous partons le mercredi 8 novembre à Dubrovnik, à cinq puisque notre capitaine d’équipe Carole Puillet nous attend sur place.

Les 7 équipes participantes au Championnat féminin jouent un « Round Robin » (toutes les équipes se rencontrent, ici une seule fois chacune) composé de 7 tours de 14 donnes chacun (dont un relais car l’équipe d’Israël a dû déclarer forfait quelques jours auparavant).

Participent  : la Croatie en tant que pays hôte, la Suède, l’Allemagne, la Pologne, la Turquie, le Danemark et la France.

Round Robin en deux jours

La salle de jeu est commune aux deux championnats. A la table, nous jouons avec les paravents, en utilisant des tablettes seulement pour les enchères. Il n’y a donc pas de plateau comme dans les compétitions à haut niveau en France. Nous avons par contre bien les cartes en main tout au long de la donne, pour le plus grand plaisir de toute l’équipe.

Premier match contre les danoises : nous sommes à la table de Ella Rosthoej et de Julie Marina Sigsgaard, que j’ai rencontrées cet été aux Pays-Bas, lors du championnat du monde des femmes de moins de 26 ans.

Nous perdons ce premier match de 44 IMP et marquons seulement 1,5 sur les 20 points de victoire partagés, mais je vais quand même vous parler de notre seul bon coup du match :

Tous vulnérables. Ouest donneur.

Est ouvre de 1♠, sa partenaire répond 2♦ forcing de manche, et je dis 3♣ en Nord. Dans cette situation, 3♣ ne montre pas des points, les adversaires étant de toute façon majoritaires, mais une belle couleur au moins 6ème.

Sur mon 3♣, Est annonce 4♣. Il s’agit d’un splinter fitté carreau. L’enchère montre des envies de chelem et au moins 4 cartes à carreau.

Anaïs en Sud barre à 5♣, empêchant les adversaires de poser le blackwood ou de se décrire davantage. Ouest dit 6♦ dans la foulée, et Anaïs remet 7♣ dessus.

Ouest a passé : il s’agit d’un passe forcing. On l’utilise à haut palier quand le camp est clairement majoritaire mais qu’on ignore si on doit contrer les adversaires ou surenchérir. Est a préféré contrer et nous nous en sommes sorties à 7♣ contré moins 4, 1100 pour eux, bonne défense contre le chelem chez les adversaires (6♦ +1 = 1390). Pendant ce temps à l’autre table, la séquence a été plus rapide chez Sabine et Valérie qui ont été les seules à trouver le grand chelem parmi les six tables féminines :

+2140 après la défausse des cœurs sur les piques d’Est, ce qui nous a permis de gagner 14 IMP.

Anaïs Leleu, prête à attaquer les qualifications.

Les autres matchs de la journée se déroulent heureusement mieux, avec +30 IMP contre les Suédoises et +37 contre les Croates.

Nous sommes en relais au dernier match ce qui nous permet de profiter de la seule journée ensoleillée de notre séjour à Dubrovnik avec toute l’équipe :

Valérie, Sabine, Anne-Laure et Carole avaient décidé de prendre une journée supplémentaire pour profiter de la ville. Elles ont ainsi grimpé sur les remparts, d’où on peut admirer tout Dubrovnik.

Le deuxième jour, nous affrontons les Turques contre qui nous perdons de 19 IMP, puis de 6 contre les Polonaises, face auxquelles nous avons utilisé une convention rare :

Tous vulnérables. Donneur Est.

Ouest ouvre en troisième position de 1♣, et je me retrouve en Nord avec 6♣ et 4♥. Je mets donc 2♣ en intervention qui montre bien 6 cartes dans la couleur, avec au moins une dizaine de points. Sur 2♣, on ne peut pas faire de cue-bid pour demander d’autres renseignements, 3♣ étant seulement un fit dans une main positive. On utilise donc l’enchère de 2♦ qu’on rend artificielle et qui demande à l’intervenant de nommer son éventuelle majeure quatrième, et à défaut de nommer les SA ou de répéter sa couleur.

Ce qui a donné :

Anaïs et moi contre les Turques
Anne-Laure Tartarin et Carole Puillet
Sabine Rolland et Valérie Sauvage

Nous terminons le dernier match des qualifications avec une défaite de 7 IMP contre l’Allemagne qui termine première avec un match et demi d’avance !

Cela nous fait finir les qualifications à la troisième place, derrière la Turquie et devant le Danemark. Pour les demi-finales de 2x 16 donnes, ce sont les premières (les Allemandes) qui choisissent contre qui elles préfèrent jouer, entre les Danoises et nous. Nous sommes assez contentes de ne pas êtres choisies !

Demi-finales France-Turquie et Allemagne-Danemark

A la surprise générale, les Allemandes qui avaient largement survolé le Round Robin, perdent de 12 IMP contre les Danoises.

Quant à nous, jouer contre les Turques nous réussit davantage que pendant le match de qualification et nous gagnons avec un score de 86 à 23.

A la fin de chaque match, nous faisons les points ensemble, avant de nous motiver pour le suivant !

Finale France-Danemark

Pendant que nous nous départageons avec les Danoises, les Allemandes jouent contre les Turques pour la médaille de bronze.

La finale se déroule également en deux segments de 16 donnes. Le premier nous oppose à nouveau à Ella et Julie qui sont comme nous ravies d’être en finale ! L’ambiance est très détendue et nous commençons par une victoire de 17 IMP sur le premier segment.

Une donne de jeu de la carte que j’ai pu jouer (contrat gagné à 3 tables sur 4) :

Passer par un stayman avec un jeu de 8 points a pour but de faire une misère dorée sur la réponse de 2♦. Sur la réponse de 2♠, on sera obligé de dire 2SA et notre partenaire, s’il est maximum, doit bien penser à dire 3♥ s’il en a 3).

Je dois donc essayer de faire 10 levées à l’atout cœur sur entame atout de Nord. Je vois que je vais devoir jouer petit vers mes Rois. Mais par quoi commencer ?

L’entame atout m’a fait penser que les As seraient davantage en Nord (qui n’aura pas voulu entamer…) qu’en Sud. J’ai donc commencé par trois tours d’atout puis carreau pour le Roi qui tient. Première bonne nouvelle ! J’ai ensuite rejoué carreau à blanc. Sud n’ayant pas plongé de la Dame, Nord se retrouve en main.

Nord fait alors le meilleur flanc : carreau. Je dois alors couper du mort et jouer pique vers mon Roi. Ça perd à l’As en Nord, qui rejoue pique pour la Dame de son partenaire. Désormais, les adversaires sont obligés de jouer trèfle ou coupe et défausse, qui est mieux joué : je défausserai effectivement un trèfle tout en coupant de l’autre main, mais j’en aurai toujours un perdant dans le cas où les trèfles seraient 3-2 avec les honneurs partagés.

Sur la coupe et défausse, je dois décider comment je vais essayer de ne donner aucune levée à trèfle (j’en ai déjà donné 2 à pique et une à carreau).

Les possibilités sont les suivantes, avec A94 face à R1076 : soit jouer DV secs en tirant en tête, soit prendre un honneur sec et faire l’impasse à celui restant (manœuvre possible des deux côtés).

Prendre DV secs est très peu probable, et j’ai un autre élément à prendre en compte : Nord n’a pas voulu entamer trèfle, il a donc peu de chances d’avoir DV secs ou trois petites cartes. De plus, s’il avait eu un singleton, il l’aurait probablement entamé.

Je décide alors de tirer le Roi en Ouest et, voyant le Valet tomber, je décide de jouer les probabilités (théorie du moindre choix : il est deux fois plus probable d’avoir Dame quatrième en Nord que Dame Valet secs en Sud) en faisant l’impasse à la Dame, qui réussit.

Les jeux complets :

A la sortie du second segment, sorties avant nos coéquipières, nous stressons complètement sur les dernières donnes : nous avons exactement perdu ce que nous avons gagné au premier segment et j’ai très mal joué, ne sachant pas encore bien gérer la pression. Nous perdons le second segment d’exactement 17 IMP, ce qui nous met à égalité avec les Danoises !

Le règlement stipule qu’en cas d’égalité, c’est l’ordre dans la phase de qualification qui rentre en jeu : ayant terminé troisièmes et elles quatrièmes, nous remportons la médaille d’or d’exactement 0 IMP !

Les Allemandes gagnent sans surprise la médaille de bronze, et les membres de l’EBL font un discours très encourageant pour le futur du bridge féminin : cette fois-ci 8 équipes étaient conviées, mais ce sera 10 l’année prochaine, et 12 la suivante.

Une Champion’s Cup dont je me souviendrai longtemps, ma première expérience en équipe Dames dans une équipe géniale, ce « match nul » extraordinaire, et une superbe médaille d’Or pour la première édition !

L’équipe avec la Coupe de la Champion’s Cup féminine.

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