Bridge et triche : interview de Sabine Auken

La lutte contre la tricherie dans le monde du bridge bat son plein !
 
Il y a quelques semaines, l’ancien Champion du monde norvégien Erik Sælensminde et son partenaire Morten Olsen ont refusé de jouer au Festival de Barcelone à la dernière minute lorsqu’ils ont appris que des tricheurs y participeraient. Ils ont été salués par un grand nombre de joueurs de premier plan. En savoir plus.

Plus récemment, deux équipes anglaises ont fait de même au Festival de Venise. L’information a été immédiatement relayée sur Bridgewinners par le meilleur joueur anglais, David Gold. En savoir plus.

Le mouvement anti-tricherie semble gagner de plus en plus de terrain dans le monde du bridge.

C’est dans ce contexte que Christophe Grosset a interviewé la championne de bridge Sabine Auken, très concernée par le sujet, qui partage avec nous son point de vue.

Bridge et triche : interview de Sabine Auken

Bonjour Sabine. Après avoir mené deux carrières avec succès dans la finance et le bridge, il semble que vous en débutiez maintenant une nouvelle en tant qu’actrice. En effet, vous avez participé au film « Aces and Knaves » de Jackie Paré qui traite d’un des problèmes auxquels le bridge fait face : la tricherie. Pouvez-vous nous en dire plus sur le film et la tricherie dans le bridge en général ?

Malheureusement, je suis incapable de vous dire quoi que ce soit sur le film. Il y a eu une projection lors des Spring Nationals de l’ACBL à Memphis. Je n’ai pas pu le voir car je devais assister à une réunion du Comité pour les Compétitions et Conventions [Competition & Conventions Committee] de l’ACBL auquel j’ai récemment été nommée. Mais après la projection, beaucoup de gens me souriaient et me faisaient signe dans les couloirs donc j’imagine que je ne suis pas une si mauvaise actrice que ça.

Les révélations ont commencé en 2015 lorsque Boye Brogeland a mené une enquête mondiale qui a conduit à la condamnation de plusieurs paires parmi les meilleures (en savoir plus : bridgecheaters.com). Faisiez-vous partie de cette « équipe » ? Quel a été l’impact de l’action de Boye sur le bridge d’aujourd’hui ?

Il y a eu plusieurs tentatives menées par un groupe important de grands joueurs pour que des joueurs/paires soient suspectés de tricherie bien avant cela. Mais pas de manière publique. Pour des raisons techniques et légales, les autorités ont à l’époque décidé de ne pas prendre de mesures malgré les nombreuses preuves compromettantes apportées. Le fait que Boye rende cela public était le seul moyen de parvenir à quelque chose.

Certains joueurs ont récemment refusé de participer à des événements qui accueillaient des joueurs reconnus coupables de tricherie par le passé. Vous les avez soutenus. Zia Mahmood a déclaré que c’était aux organisations de bridge de s’assurer qu’il n’y avait pas de tricherie au bridge et non aux joueurs. Vous êtes d’accord ?

Bien sûr, c’est le rôle des organisations. Mais il se peut qu’elles aient besoin de l’aide des joueurs. Si nous refusons de jouer, il n’y aura pas de tournois et les choses devront changer.

Geir Helgemo, n°1 mondial, a été suspendu pour dopage. Il semble que cela ait semé la confusion au sein des communautés bridgesque et non bridgesque. Qu’en pensez-vous ?

C’est très regrettable. Il est clair que Geir a violé les règles. Mais les règles auraient dû être différentes au départ, en tout cas selon moi. Et Geir ne se serait jamais heurté à ce problème. Je ne suis pas non plus une grande fan de notre affiliation au CIO.J’aimerais qu’on y mette fin. Du moins, nous devons faire accepter au CIO que le dopage dans un sport physique n’est pas nécessairement la même chose que le dopage au bridge.

Ces deux dernières années, le bridge a fait la une de l’actualité généraliste principalement pour des cas de tricherie et de dopage. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que du moment qu’on parle du bridge, c’est bon pour le bridge ?

J’espère que toute l’exposition médiatique sera au final bénéfique. J’espère que cela mettra suffisamment la pression à nos autorités pour qu’elles s’attaquent enfin aux problèmes. Ces problèmes existent depuis longtemps. Mais ils ont été étouffés donc il n’y avait pas d’urgence à changer quoi que ce soit.

Croyez-vous qu’il est possible de vraiment éradiquer la tricherie du bridge ? Il semble que dans la plupart des sports dans lesquels de l’argent est en jeu, cela mène à des formes de tricherie.

Malheureusement, je doute qu’il soit un jour possible de l’éradiquer totalement. Des sanctions très dures pourraient avoir un effet préventif. Certains semblent penser qu’un environnement 100% électronique préviendrait la tricherie. Mais premièrement, je suis sûre que des personnes mal intentionnées et malignes trouveraient un nouveau moyen de tricher, même dans un tel environnement. Et deuxièmement, beaucoup d’entre nous ne veulent pas jouer au bridge dans ce genre d’environnement et j’en fais partie.

Pour finir, vous semblez être l’une des plus ferventes supportrices de l’initiative #Keepbridgealive. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le bridge a clairement un problème d’image. Pour attirer de nouveaux et de jeunes joueurs, pour convaincre les gouvernements et les écoles des mérites du bridge, pour susciter l’intérêt de potentielles sociétés sponsors, l’image du bridge doit changer.

Samantha Punch essaie juste de faire ça de manière scientifique. Je pense que c’est la bonne voie. Samantha est très passionnée par son travail, fait des efforts considérables et fait preuve d’un dévouement sans limite. Elle est persuadée qu’elle réussira et est prête à se battre pour ça, à l’instar de sa récente campagne #keepbridgealive. Elle a toute mon admiration. Comment ne pas la soutenir ?

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